16-30 septembre 2023 / Paix, tombes & jardin

Enfants & ronde. Chaîne humaine pour la paix. Avenue Général de Gaulle, Perpignan. Jeudi 21 septembre, 18 h 37.

(avant-texte)

146 500 euros sont dépensés chaque minute pour le nucléaire militaire mondial ! Dans le même temps, l’ONU évalue à 267 milliards d’euros d’ici 2030 l’enveloppe nécessaire pour éradiquer la faim dans le monde. C’est pour s’opposer aux surenchères guerrières que, du 18 au 24 septembre, toute une semaine a été dédiée aux Cultures de paix dans les Pyrénées-Orientales, à l’initiative du Parti communiste français et de plusieurs organisations partenaires. Parmi les temps forts, une chaîne humaine entre la place de Catalogne et la gare de Perpignan pour dire « stop » et « refaire le monde ».

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Et pour le dire avec les mots du poète, le fragment 138 des Feuillets d’Hypnos de René Char, celui de « l’horrible journée » : une plongée saisissante dans la réalité de la guerre.

« Horrible journée ! J’ai assisté, distant de quelque cent mètres,; à l’exécution de B. Je n’avais qu’à presser la détente du fusil-mitrailleur et il pouvait être sauvé ! Nous étions sur les hauteurs dominant Céreste, des armes à faire craquer les buissons et au moins égaux en nombre aux SS. Eux ignorant que nous étions ;là. Aux yeux qui imploraient partout autour de moi le signal d’ouvrir le feu, j’ai répondu non de la tête… Le soleil de juin glissait un froid polaire dans mes os.
Il est tombé comme s’il ne distinguait pas ses bourreaux et si léger, il m’a semblé, que le moindre souffle de vent eût dû le soulever de terre.
Je n’ai pas donné le signal parce que ce village devait être épargné à tout prix. Qu’est-ce qu’un village ? Un village pareil à un autre ? Peut-être l’a-t-il su, lui, à cet ultime instant ? »

lundi18septembre

Criée. Semaine Cultures de paix à Perpignan. Place Arago. 11 h 11.
Baptême. Semaine Cultures de paix à Perpignan. Place de la Victoire rebaptisée Place de la Paix. 18 h 24.

mercredi20septembre

Jardin. Villa Les Tilleuls. Perpignan. 16 h 46.
Et les autres ? Rue Lulli, Perpignan. 16 h 53.

jeudi21septembre

Chaîne humaine. Semaine Cultures de paix. Avenue Général de Gaulle, Perpignan. 18 h 24.
Paix. Avenue Général de Gaulle, Perpignan. 18 h 30.

lundi25septembre

Mausolée. Cimetière Saint-Martin, Perpignan. 14 h 35.
Calice. Cimetière Saint-Martin, Perpignan. 14 h 37.
Ange. Cimetière Saint-Martin, Perpignan. 14 h 38.
Gueule cassée (1). Cimetière Saint-Martin, Perpignan. 14 h 41.
Gueule cassée (2). Cimetière Saint-Martin, Perpignan. 14 h 42.
Allée. Cimetière Saint-Martin, Perpignan. 14 h 45.

1er-15 septembre 2023 / Midi, arbres & poésie

Arbre. Jardin des Plantes. Montpellier. 6 septembre, 15 h 57.

(avant texte)

… après un dernier coup d’œil dans les ruelles nostalgiques du Grenier, terminé la lecture de L’arbre-monde de Richard Powers. Extraits.

« … Les arbres qui migrent. Les arbres qui se souviennent du passé et prédisent l’avenir. Les arbres qui harmonisent leur production de fruits et de noix en chœurs proliférants. Les arbres qui bombardent le sol pour que seuls leurs rejetons puissent y pousser. Les arbres qui mobilisent des escadrilles d’insectes pour venir à leur secours. Les arbres aux troncs creux assez vastes pour abriter la population de hameaux. Les feuilles à doublure fourrée. Les pétioles amincis qui résolvent le vent. Le feston de vie autour d’un pilier d’histoire morte, dont chaque nouvelle couche est aussi épaisse qu’est généreuse la saison créatrice… »

« … Comment l’exploitation pourrait-elle s’arrêter ? Elle ne peut même pas ralentir. Tout ce qu’on sait faire, c’est grossir. Une croissance plus forte ; une croissance plus rapide. Meilleure que l’an dernier. Une croissance, jusqu’au sommet de la falaise, jusqu’à tomber dans le vide. Il n’y a pas d’autre issue. – Je comprends… »

« … On ne fabrique pas la réalité. On se contente de la fuir. Jusqu’à présent. En pillant le capital naturel et en dissimulant le coût. Mais on va recevoir la facture, et on ne pourra pas la payer… »

« – … C’est tellement simple (…). Tellement évident. Une croissance exponentielle dans un système fini mène à l’effondrement (…) – Alors, est-ce qu’il y a le feu ?
Haussement d’épaules. Torsion des lèvres. – Oui… »

vendredi1erseptembre

Pompe à bras. Le Grenier. Savoie. 11 h 50.
Cœurs. Le Grenier. 11 h 51.
Neige & réverbère. Le Grenier. 11 h 52.
Composition. Le Grenier. 12 h 07.

dimanche3septembre

Visa. Jardin Terrus à Perpignan. 11 h 23.
Sudre sculpteur. Rue André Bosch. Perpignan. 11 h 26.

mardi5septembre

Aurige de Delphes. Parc Tastevin. Montpellier. 11 h 16.
Grand Hôtel du Midi. Boulevard Victor Hugo. Montpellier. 15 h 08.
Café Riche. Place de la Comédie. Montpellier. 15 h 11.
Trompe l’œil. Boulevard de l’Observatoire. Montpellier. 16 h 55.
Carrousel. Place de la Comédie. Montpellier. 18 h 26.

mercredi6septembre

jardin
Parterre. Jardin des Plantes. Montpellier. 16 h 06.
Observatoire. Jardin des Plantes. Montpellier. 16 h 07.
Palmier & tour. Jardin des Plantes. Montpellier. 16 h 45.

jeudi14septembre

Saule pleureur. Rigole de l’Etang à Puichéric. 11 h 12.
Olives. Jardin familial à Carcassonne. 12 h 18.

vendredi15septembre

Saint-Vincent & gare. Carcassonne. 9 h 05.
Façades. Rue du Petit Saint-Jean, Montpellier. 11 h 54.
Mondrian. Rue de l’Aiguillerie. Montpellier. 14 h 12.
Rue de la Poésie. Quartier des Beaux-Arts. Montpellier. 14 h 33.
Cyprès & Corum. Montpellier. 16 h 03.
Balustrade. Boulevard Bonne Nouvelle. Montpellier. 16 h 13.

Notes sur André Breton

I – Séquences prélevées à la source

« Le sort de l’art et de la pensée reste lié à celui de l’individu. Il importe de comprendre que la cause de l’art se confond désormais avec celle de la liberté humaine et que toute atteinte apportée à la liberté de l’esprit, l’est en même temps à la liberté de l’homme. »

« La poésie (…) est message d’espoir et de révolte. Même désespérée, (elle) n’accepte pas le désespoir ; elle dépasse la souffrance en la transformant en source de révolte ; elle vise à retourner la malédiction contre le Dieu qui l’a proférée. »

« Cette pensée n’a cessé de se découvrir elle-même et de s’approfondir (…). A travers l’œuvre de ses antécédents directs – Baudelaire, Nerval, Rimbaud, Lautréamont – elle tend (…) à préciser sa filiation avec un courant spirituel infiniment vaste : la tradition ésotérique. »

« Dans l’ésotérisme, nous voyons, sous des formes souvent très disparates, la manifestation d’un esprit d’opposition constant aux normes traditionnelles de la raison, de la connaissance, de la religion. »

« Le surréalisme a choisi. En proclamant la nécessité de promouvoir un mythe nouveau, Breton et ses amis lui ont fait franchir l’obstacle qui sépare encore toute tentative révolutionnaire de son véritable objet, de son devenir. Ils ont engagé la meilleure part de la conscience moderne dans la seule voie radicalement moderne qui s’offrait (…) La transformation du monde sera liée à la transformation de l’image que l’homme se fait de ce monde. Elle rétablira les contacts primordiaux de l’homme et de l’univers, dont la rupture est l’une des causes de l’hébétude de notre existence. »

André Breton, par Jean-Louis Bédouin
Seghers, Poètes d’aujourd’hui

« La science véritable, celle qui échappe aux scientistes comme aux techniciens, s’engage aujourd’hui dans la voie de spéculations intellectuelles qui débordent singulièrement les cadres auxquels est encore assujettie la démarche expérimentale et doivent lui faire rejoindre tôt ou tard un ordre de préoccupations qui passaient et passent encore pour étrangères aux siennes : la connaissance analogique, produit de la faculté poétique de l’esprit. »

« L’esprit ne dispose que d’un seul moyen pour combiner les divers éléments de la perception – en dehors de la relation logique qu’il y introduit : c’est l’analogie. »

André Breton écrit dans Signe ascendant, texte paru en 1948 dans le premier numéro de la revue Néon :

« L’analogie poétique a ceci de commun avec l’analogie mystique qu’elle transgresse les lois de la déduction pour faire appréhender à l’esprit l’interdépendance de deux objets de pensée situés sur des plans différents, entre lesquels le fonctionnement logique de l’esprit n’est apte à jeter aucun pont et s’oppose a priori à ce que toute espèce de pont soit jeté. L’analogie poétique diffère foncièrement de l’analogie mystique en ce qu’elle ne présuppose nullement, à travers la trame du monde visible, un univers invisible qui tend à se manifester (…). Elle (l’analogie poétique) tend à faire entrevoir et valoir la vraie vie absente et, pas plus qu’elle ne puise dans la rêverie métaphysique sa substance, elle ne songe un instant à faire tourner ses conquêtes à la gloire d’un quelconque au-delà. »

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André Breton : « Tout porte à croire qu’il existe un certain point de l’esprit d’où la vie et la mort, le réel et l’imaginaire, le passé et le futur, le communicable et l’incommunicable, le haut et le bas cessent d’être perçus contradictoirement. »

Raymond Lulle : « La signification est la révélation des secrets qui sont montrés avec le signe. »

II – L’étrange sort

Naître d’une parole. Un bras, un poing levé, une main tendue. Sous un coffre, une libellule à barbe bleue. En voyage, plus de fer sous les pieds.

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La pensée a fui. Nous entendons au loin un cri de révolte, une sommation et derrière la volonté de dire, la volonté plus forte du refus.

Ourdir le non-poème : dis que tu ne dis rien.

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Cette écriture-là voulut se donner un sens mais le perdit dans le marais des algues vertes. La messagère a disparu, comme la parole, ses sabots emportés par les flots et l’ombre derrière le ballet des incertitudes.

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Voir le monde autrement. Ce fut un rêve. Le surréalisme l’a vivifié.

Changer le regard. Il existe non loin d’ici – mais que sait-on des distances ? – une abbaye où un sculpteur qui vécut au Moyen Age a représenté le martyre d’un saint traîné par un attelage de taureaux furieux dans les rues de la ville où il prêchait. L’imagier a montré l’hébétude des hommes contemplant la souffrance. Sur une rive lointaine, un soleil noir s’est levé qui laisse l’homme dans l’ignorance où il est de lui-même. 

Passer de toute urgence dans l’outre-voir. Conviés à rechercher partout et en tout lieu la « manifestation d’un esprit d’opposition constant aux normes traditionnelles de la raison, de la connaissance, de la religion. »

III – Forces contraires

Entreprendre un état des lieux du monde par l’image, poème ou photographie. Pour ce faire, vider l’esprit du sens commun qui l’habite. Une révolution du regard.

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Métissage (tentative d’abstraction).

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A Rome, on fleurissait la mort en jetant des pétales sur les gladiateurs avant le combat.

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Tout geste précède l’ombre qui l’accomplit.

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16 mars-10 septembre 2023

Source : André Breton, par Jean-Louis Bédouin, Seghers Poètes d’aujourd’hui.

Debout dans le commencement

Voici le récit. Il figure au logion 13 de l’Evangile selon Thomas. 

« Les disciples demandèrent à Jésus : Dis-nous comment sera notre fin ? Jésus dit : Avez-vous donc découvert le commencement, pour que vous cherchiez la fin ? Car, là où est le commencement, là sera la fin. Heureux celui qui se tiendra debout dans le commencement ; il connaîtra la fin et ne goûtera pas la mort ».

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Commencer. La tâche incommensurable. Que puis-je faire ? Devant la page blanche, la peur d’être.

« Je revins donc aux choses, comme au commencement », dit Pierre Bergounioux. 

Tout commence dans les choses. Le ciel. La terre. Bientôt la mer. Les arbres. Les oiseaux. Les fleurs. Et parmi cette multitude, l’homme. Chose parmi les choses.

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Il fait nuit. L’heure de creuser des tunnels dans le silence et déterrer les mots. Quelqu’un écoute, tend l’oreille et s’étonne. Dans l’ombre un corps à naître. Des tunnels dans le silence. Ils forment un réseau souterrain où le temps s’abolit. 

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J’ai appris avec Paul Valéry que la mer est le lieu du recommencement.

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La mer toujours recommencée (Paul Valéry).

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Ce toit tranquille, où marchent des colombes,
Entre les pins palpite, entre les tombes ;
Midi le juste y compose de feux
La mer, la mer, toujours recommencée !

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Une ville. Des poèmes affichés sur les murs. On y apprivoise les visiteurs. Une ville dépourvue de sens où la réalité du monde tiendrait dans sa transparence.

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Nous avions quitté la maison aux voûtes décorées de peintures énigmatiques. Jadis, elle avait été habitée par un homme que son voisinage suspectait d’activités occultes. On m’avait dit qu’il recueillait de nuit aux abattoirs le sang des bœufs sacrifiés pour arroser ses orangers faméliques. Nous longions les façades privées de lumière dans cette après-midi humide de fin d’été. Sa main tremblait sur le bras que je lui avais offert. Je pressentais que le jour se déroberait dès que nous aurions franchi le porche de la demeure inhabitée dont elle détenait la clé.

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Dans un carnet, des mots (re)posés. Ici, une liste retrouvée qui m’est énigme. 

Présages
Marges margelles sages vases savants sauvages
Derrière la colline
Quel inconnu guette
Silence aux portes
Mieux valut terre que ciel de brume
Taire l’astre soleil sous séquestre
Halo de lumière laiteuse
Halo sentier
Haro sur le halo
Chemin tournant
Vague de feu
Mission impossible
Sous quelle parole vivre
Quel aboiement
A quel prisme lire le monde
Jetés à bas parmi les pierres
Etoiles échevelées de novembre
La fragilité de l’argile
Ceindre l’écharpe du désir

Atteindre au vœu du soir

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Que de vagues nous tiennent et rejettent nos corps.

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Un logion désigne, en grec, une parole d’inspiration divine. En français, logion a donné loge et sa suite : logis, loger, logement. Nous logeons dans les dits. Nous habitons dans les mots. Ils sont la loggia d’où nous regardons le monde et tentons de le lire. 

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Il arrive que nous soyons délogés. Que les mots nous excluent. Les mots ne sont pas toujours si accueillants. Font alors de nous des migrants. Des sans langue. 

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Commencement est le premier mot du TaNaKH : בראשת (BeReShiT – Au commencement… ). Le commencement est là. La fin est là aussi. Bet ב est la deuxième lettre de l’alphabet hébraïque, mais la première qui se prononce, le Alef א étant une muette. Le Tav ת est la dernière lettre de l’alphabet hébraïque. BeReShiT commence par la première lettre prononcée (ב) et se termine par la dernière (ת). Le commencement et la fin en un même mot. Là où est le commencement, là sera la fin.

22 octobre 2018

Sources : Ecrits apocryphes chrétiens, Bibliothèque de la Pléiade ; Paul Valéry, Le cimetière matin in Poésies, collection Poésie/Gallimard ; La Bible, traduction intégrale Hébreu-Français par les membres du Rabbinat Français sous la direction du Grand-Rabbin Zadoc Khan, éditions Sinaï.