Aussi loin qu’il regarde (mais regarde-t-il vraiment ou est-ce une impression ?), il n’y a rien. Rien, sinon une étendue sans fin de terre rouge saupoudrée de sable ocre sous un ciel bleuté que les oiseaux désertent. Il fait chaud. Boire est le dernier luxe d’une sale journée.
Une phrase musicale élastique s’étire sans fin.
Que s’est-il passé pendant les quatre années où il a disparu ? Où est-il allé ? Dans quelle ville ? Que lui est-il arrivé ? A-t-il eu des ennuis ? Fait de mauvaises rencontres ? Mystère alourdi de silence. Jusqu’au bout, il n’y a pas de réponse. Jusqu’au bout, le silence.
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Retrouvailles –
Paris, Texas (capture d’écran)
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Paris, Texas de Wim Wenders est sorti en France le 19 septembre 1984. Cette année-là, je fus parmi les 2 019 539 personnes qui ont vu le film en salle & j’en ai toujours conservé des images dans mon souvenir. La casquette rouge coiffant la tête de Travis Henderson dans le désert Mojave. Les séquences d’un bonheur en super 8. L’éphémère sur pellicule. Le temps mort. Le désert. La soif. Le rire des enfants dans la cour de l’école. Les avions. L’angoisse. Le silence.
Entre toutes ces réminiscences, il y a bien sûr la scène culte. Les retrouvailles dans le peep-show d’un quartier glauque de Houston où Jane travaille maintenant. Derrière la vitre teintée qui les sépare, elle ne peut le voir. Il lui parle par téléphone. La première fois, elle ne reconnaît pas sa voix. Il ne lui dit pas qui il est. Lorsqu’il revient le lendemain, il lui raconte leur histoire en lui tournant le dos. Elle comprend alors que c’est lui. Elle pose ses mains sur la vitre comme si elle voulait, à l’aveugle, caresser son visage pour en redessiner sous ses doigts les contours. Il lui indique le nom de l’hôtel et le numéro de la chambre – 15-20 – où l’attend leur enfant. Elle ira le chercher tout à l’heure pour l’emmener avec elle. Il observera la scène depuis la rue. Il les devinera derrière la baie. On dirait alors que tout est accompli. Il peut disparaître dans le soir tombant. Générique de fin.
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Un an plus tard, Bob Dylan chanterait :
I’ll remember you
When the wind blows through the piney wood.
It was you who came right through,
It was you who understood.
Though I’d never say
That I done it the way
That you’d have liked me to.
In the end,
My dear sweet friend,
I’ll remember you.
Tu seras dans mes souvenirs
Quand le vent soufflera dans les bois de pins.
C’est toi qui es arrivée,
C’est toi qui as compris.
Pourtant je ne dirai jamais
Que j’ai agi comme
Tu aurais aimé.
A la fin,
Ma chère et douce amie,
Tu resteras dans mes souvenirs.
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Dans la lenteur des jours simples et ordinaires, sept minutes d’un bonheur en super 8 (bande son : Cancion Mixteca, musique de Ry Cooder).
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Sources : Paris, Texas de Wim Wenders (1984) ; Bob Dylan I’ll remember you, extrait de l’album Empire Burlesque (1985), traduction François Guillez sur son site http://www.bobdylan-fr.com/index.html
28 mars 2020-21 novembre 2022