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Mercredi 13 août | Sainte-Anne et le Bois de la Duche
Fiche technique – Levés 8 h. Départ 9 h 15. Nous allons aujourd’hui à La Duche et sa chapelle (1525 m), point de départ de la randonnée du jour dans la Bois de la Duche (1685 m) jusqu’au col de Borneronde (1680 m) et retour. Distance totale parcourue : 7,69 km. Dénivelé total : 342 m.
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Fuir la canicule qui sévit même en altitude ! Aujourd’hui, la randonnée sera donc une simple balade dans un sous-bois ombragé. Aucune difficulté majeure sur le parcours. Quelques raidillons. Le tracé offre des panoramas toujours aussi beaux. D’un côté la chaîne des Aravis, de l’autre la chaîne du Bargy. Déjeuner au col de Borneronde. Au menu : sandwich au rôti de porc froid acheté chez le boucher de Saint-Jean-de-Sixt, beurre fermier et mayonnaise. Compote de pomme. Café. Nous prenons notre temps. Rien ne presse. Peu de monde. En forêt, symphonie d’essences, fruits et fleurs mêlés dans des noces agrestes. Silence et tranquillité.
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Avant la balade, nous faisons un détour par la chapelle de la Duche. Tout petit édifice niché dans le creux de la vallée. La chapelle est en activité. L’office religieux y est célébré tous les dimanches et les jours de fêtes. Comme elle est ouverte au public, nous poussons la porte et entrons. Intérieur simple. Soigné. Quatre rangs de chaises. L’atmosphère est au recueillement.
Cette chapelle fut érigée en 1671 par le curé César de Morel avec le concours des habitants du Grand-Bornand pour demander que cesse une épizootie dévastatrice qui causait la mort de quantité de bétail dans les montagnes. Elle fut dédiée à Notre-Dame ainsi qu’à plusieurs saints agraires, Saint Guérin, Saint Grat et Sainte Anne. Elle fut reconstruite une première fois en 1879 puis fit l’objet de nouvelles réparations en 1952.
Parmi les objets remarquables conservés à l’intérieur, une statue de la Vierge en bois sculpté qui pourrait être celle devant laquelle prièrent en 1671 les montagnards éprouvés par la perte de leurs troupeaux.

Vierge en bois sculpté
Chapelle de la Duche
En contre-bas de la chapelle, un oratoire. La scène sculptée représente Anne apprenant à lire à sa fille Marie en lui désignant un texte sacré. Un Christcrucifié au départ d’un chemin de croix qui conduit le pèlerin jusqu’à l’oratoire du bienheureux Jean d’Espagne, édifié en 1933 près d’une source miraculeuse. Jean d’Espagne était un chartreux. Il arriva dans la région en 1154 pour fonder la Chartreuse du Reposoir.
La légende raconte qu’exténué par une longue marche en montagne, Jean d’Espagne fit une halte au pied de l’actuel Bois de la Duche et but l’eau de la source qui tant le ragaillardit qu’il put franchir dans la foulée le col des Annes et se rendre au Reposoir pour y fonder son monastère. D’autres légendes sont attachées au lieu. La nature sulfocalcique de la source lui confèrerait quelques vertus thérapeutiques. On dit dans le pays que cette eau guérit de la fièvre.
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Noms des lieux-dits traversés – La Duche, le Saix, Sur le Saix, col de Borneronde.
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Résistances – Je ne sais presque rien des résistants Patrick Verley et Jacques Marchand sinon qu’ils ont été assassinés par des fascistes italiens le 20 août 1943 au hameau des Confins, commune de la Clusaz, comme l’indique la plaque commémorative apposée sur la façade de la chapelle des Confins (cf Suite alpestre 7/11). Sur Patrick Verley, quelques lignes succinctes dans le Maitron des fusillés : « Né le 22 mai 1922 à Lambersart (Nord) ; résistant Armée secrète au sein des maquis de Haute-Savoie ». Il était âgé de dix-neuf ans. Jacques Marchand, de Paris, est mentionné dans un registre du Musée de la Résistance en ligne comme appartenant à l’Armée secrète et engagé au maquis des Confins. Il avait vingt-deux ans lorsqu’il a été tué.

Ce qui frappe, à la lecture de la plaque, est l’âge de ces deux martyrs : dix-neuf et vingt-deux ans. Même constat en parcourant les tombes de la nécropole nationale des Glières à Morette, près de Thônes. Les Résistants tués lors des affrontements de mars 1943 étaient pour la plupart âgés entre vingt et vingt-quatre ans.
Constant Paisant avait dix-neuf ans et demi lorsque, à la fois par refus du Service du travail obligatoire (STO) et par conviction, il rejoint les Francs Tireurs et Partisans et se retrouvera aussitôt engagé sur le plateau des Glières. Constant Paisant a raconté ses années de résistance dans un livre poignant qui nous plonge dans la vie quotidienne de ces jeunes combattants. L’auteur nous fait partager leurs peurs, leurs doutes, mais aussi, au milieu du carnage et des dangers extrêmes, leur appétit de vivre, leur soif de liberté, leur joie. Ces hommes, pour ainsi dire des gamins, firent preuve d’un courage extraordinaire, d’une maîtrise mentale exemplaire. Et surtout, dans les pires moments, ils n’ont jamais perdu espoir. En témoignent ces quelques lignes extraites du livre de Constant Paisant. Nous sommes au plus fort de la tempête de feu qui fait rage sur les Glières. Il se souvient : « Actuellement nous sommes dispersés, mais le moral n’est pas mauvais. Franquis (le chef du groupe FTP) est certain que les choses vont s’arranger. Les forces considérables mises en œuvre pour nous exterminer n’ont pas réussi à nous anéantir. La plus grande partie des troupes allemandes et huit cents francs-gardes de la Milice ne nous harcèleront probablement plus. Nous allons pouvoir bientôt reconstituer des unités de partisans bien plus importantes (…). Les événements extérieurs nous sont favorables et les nazis reculent partout (…). Sans compter le débarquement en France qui va peut-être se réaliser. Les perspectives que nous évoquons nous réconfortent mais, dans l’immédiat, il nous faut trouver de quoi manger ». Parce qu’à ce moment, encore, il est question de survivre.
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La forêt en liberté



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Cartes postales




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Source : Constant Paisant, J’étais Franc-tireur partisan aux Glières, édité par l’Association Nationale des Anciens Combattants de la Résistance, janvier 2017.
