
Il est coiffé d’un feutre, comme tant d’hommes de son temps en vêtaient. Lunettes rondes. Barbe finement taillée. Gilet noir. Chemise blanche. Un faux air de dandy ? Cela ne lui ressemble pas. Il est plutôt réputé simple dans ses manières comme dans son habillement. Mais se représente-t-il réellement tel qu’il est ? Ne nous illusionne-t-il pas ? Son regard fixe, profond, déterminé, traduit une inquiétude. Un étonnement devant le réel ? Au premier abord, on pourrait croire qu’il nous dévisage. Mais ce regard nous traverse, comme si nous n’existions pas. Il regarde au-delà, en direction d’un point immatériel. Un horizon illimité. Le bras droit replié à hauteur du coude, tout en souplesse, la main à hauteur du buste, l’annulaire et l’auriculaire refermés sur la paume, la cigarette pincée entre l’index et le majeur, le pouce droit, l’ensemble traduisant une certaine nonchalance. Un naturel. Le tableau est solaire. La lumière, d’un jaune vif, éblouissant, entre par le battant ouvert d’une fenêtre dont on devine le cadre au second plan. C’est le seul élément de décor du tableau.
Pas de chevalet , de pinceaux ni de palette. Excepté son titre, Autoportrait, rien ne dit que l’homme qui se représente ici est un artiste peintre. Son nom : Maximilien Luce. L’histoire de l’art le classe parmi les néo-impressionnistes. Dans les pas de Georges Seurat, il est adepte du divisionnisme, autrement nommé pointillisme, ce qui n’apparaît pas dans cette œuvre en particulier. Lorsqu’il exécute son autoportrait, Maximilien Luce n’est plus tout jeune. On le devine à ses traits. C’est un homme mûr. Né en 1858, il est âgé d’environ cinquante-deux ans. Ce n’est pas un inconnu dans son milieu. Il a déjà exposé avec succès chez Durand-Ruel, à la galerie Druet puis par deux fois à la galerie Bernheim-Jeune. Il sera beaucoup plus montré après sa mort survenue en 1941. Des expositions partout en France, à Charleroi, à New York, ses tableaux ont beaucoup voyagé jusqu’à la rétrospective que lui consacre cette année le musée de Montmartre, dans cette rue Cortot où Maximilien Luce a vécu parmi les siens de 1887 à 1900 et développé sa conception si singulière de la lumière et de la couleur. Un retour aux sources, pour ainsi dire.
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Source : Ce texte a été écrit après une visite de l’exposition Maximilien Luce, L’instinct du paysage au musée de Montmartre (21 mars – 14 septembre 2025). Le tableau appartient aux collections du musée départemental Maurice Denis de Saint-Germain en Laye, en dépôt au musée de l’hôtel-Dieu de Mantes-la-Jolie qui abrite la collection Maximilien Luce suite au don par son fils en 1971 d’une partie du fonds d’atelier de son père.
(27 juin – 3 juillet 2025)
