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Ils ont l’art de lire la terre comme un grand livre ouvert sous leurs yeux. Ils doivent tout voir. Passer au tamis chaque millimètre du carré qui leur a été confié. Depuis 1964, des archéologues professionnels et bénévoles se succèdent à la caune de l’Arago à Tautavel où des traces d’occupation humaine avaient été détectés bien avant la découverte, en 1971, du crâne Arago 21 qui fait aujourd’hui la célébrité du lieu. Notre ancêtre, homo heidelbergensis, vivait ici il y a 450 000 ans. C’était un nomade chasseur-cueilleur qui se débattait contre les affres du climat et la sauvagerie des bêtes qui l’entouraient. Grâce aux découvertes des chercheurs, nous le connaissons mieux aujourd’hui. Nous pouvons le suivre dans son quotidien. L’imaginer allant, venant, dans cette plaine baignée par les eaux du Verdouble et la lumière de Méditerranée mais qui, à cette époque lointaine, était recouverte de steppes. Les archéologues ne sont toutefois pas « que » des imaginatifs. Avant d’écouter une intuition murmurer à leur oreille quelque piste de recherche, ils travaillent méthodiquement, avec une rigueur qui ne tolère aucune émotion. Quand un archéologue découvre un reste, qu’il soit humain ou animal, il ne pleure pas. Il ne se laisse pas submerger par la joie immense qui l’envahit. Dans son carnet, il note l’emplacement exact de sa trouvaille, son orientation, il la dessine sur du papier millimétré pour que les générations futures sachent où, quand, comment, ce petit morceau de squelette a été trouvé. Parce que les archéologues vivent un drame dont ils ne parlent pas : ils détruisent l’archive sur laquelle ils travaillent. Un chantier de fouille, ce n’est pas comme un livre dont la page demeure une fois qu’on l’a lue et tournée. La feuille de l’archéologue, c’est le carré de terre qu’il creuse et qui disparaît une fois qu’il l’a exploré. Un jour, plus personne ne fouillera la caune de l’Arago parce que tout aura disparu. Mais le grand livre, lui, pourra toujours être consulté : ce sont les modélisations établies à partir des carnets de notes des fouilleurs, et ce sont les réserves du laboratoire de recherche associé au musée de Tautavel. Elles sont riches aujourd’hui de quelque 400 000 objets retrouvés là-haut, dans la caune, tout au bout d’un chemin escarpé qui, pour le dire avec le poète occitan Claude Marti, a garrigue sur ciel.
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