
Dimanche 10 août | L’élégance des sages
Fiche technique – Levés 8 h 30. Départ 9 h 30 en direction du hameau des Confins (1419 m), au-dessus de la station de La Clusaz. Nous nous garons à côté de la chapelle où une plaque commémorative rappelle la mort de deux jeunes maquisards âgés de 19 et 22 ans, tués par les fascistes italiens. L’itinéraire nous conduira jusqu’au chalet de Tardevant (1805 m) au pied de la combe éponyme et du Tardevant lui-même qui culmine à 2501 m. Distance parcourue à l’aller : 7,88 km. Dénivelé : 453 m. Distance totale parcourue : 12,72 km. Dénivelé total : 509 m.
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Dans le sillage de l’historien Georges Vigarello et son Histoire des lointains, il faudrait écrire des histoires de confins. Nous y sommes, ce matin, dans un de ces bouts du monde, au départ duquel nous empruntons un chemin qui descend vers le Bois des Ascets (1325 m) avant d’amorcer la montée vers le refuge de la Bombardellaz à travers le Bois Vert. Forêt magnifique. Encore une fois accueillante et bienveillante. Elle nous offre ses ombrages, ses senteurs, humus et résine, quelques framboises sauvages sur le passage. Un vrai bonheur d’être là, parmi les épicéas dont on ne dira jamais assez la majesté. Ce sont des nobles. Ils ont l’élégance des sages. La nature se révèle aussi parfois dans son infini appétit de vivre. Témoin ces jeunes pousses qui s’enracinent sur un tronc que l’on croirait mort et qui pourtant donne encore la vie.

un infini appétit de vivre
Arrivés au refuge, nous faisons quelques pas en direction du Planet par le GR de pays du Massif de Tournette-Aravis. Nous rebroussons chemin et puisque nous avons du temps devant nous (il est à peine midi quand nous atteignons Bombardellaz), nous décidons de monter jusqu’au chalet de Tardevant. La pente est raide mais la vue est superbe. Sur notre droite, la vallée du Grand Bornand, le Mont Lachat de Châtillon, à ne pas confondre avec le Mont Lachat au-dessus de Thônes. Nous déjeunons Sous Tardevant (1765 m), au pied du chalet que nous atteindrons avant la redescente. Au menu : sandwich jambon blanc, beurre fermier et compote de pommes. Nous effectuons le retour par la piste puis le sentier qui conduit jusqu’au chalet de Paccaly (1490 m) et le hameau des Confins. Nous avons marché sous les ombrages protecteurs des forêts puis bénéficié d’une brise rafraîchissante dans les parties ensoleillées. Nous n’avons pas souffert de la chaleur malgré la canicule annoncée et bien réelle dans les vallées.
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Noms des lieux-dits traversés – Le Plan, Bois des Ascets, le Gollet, Bois Vert, la Bombardellaz, la Pierre Marquée, Sous Tardevant, Tardevant, Paccaly d’en Haut, Paccaly, la Bottière, la Lanchette, Crêt Pollet.
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« Un vrombissement terrifiant » – « Avec le relief, le feu allait plus vite que notre voiture, en cinq minutes il nous a entourés. Derrière les haies de cyprès en feu, on entendait un vrombissement terrifiant, les flammes faisaient cinq mètres de haut ». Les mots ne mentent pas.
Lorsque le disque Lo Pais que vol viure de Claude Marti sort en 1973 au Chant du Monde, le Midi viticole est en révolte. Quand il chante « la Corbièra salada », Marti parle de ce massif dont les éperons rocheux éprouvés par le soleil et le vent plongent en direction de la Méditerranée. Sa montagne regarde vers la lumière du Levant. Quand il chante « lo vilatge mort », il se fait le porte-voix de tant qui sont partis, condamnés à survivre ailleurs parce que leurs terres d’ici ne les nourrissaient plus. Quand il parle de « la terra abandonada », déjà, dans les années soixante-dix, le poète prédit la friche l’emportant sur la vigne, la mort du pastoralisme qui tant fait défaut aujourd’hui. Il dit la main de l’homme qui retombe, lasse, découragée, impuissante, face à un nouveau monde qui se ment à lui-même et niera bientôt jusqu’au prix de sa folie. Bientôt, c’est maintenant. Les Corbières brûlent. Et nous en sommes-là.
(La citation est extraite des témoignages recueillis auprès des sinistrés des Corbières par les journalistes du quotidien L’Indépendant et publiés dans les éditions des jeudi 7 et vendredi 8 août).
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Cartes postales





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Repère bibliographique – Georges Vigarello, Une histoire des lointains (entre réel et imaginaire). Points Histoire.
