Phrag/mes

« Nous courons dans l’incendie du monde » – René Nelli


Suite alpestre (2/11) | « Vivre libre ou mourir »

Monument national de la Résistance, plateau des Glières. Mercredi 6 août. 14 h 53.

Mercredi 6 août | Aux Glières

Fiche technique – Levés 7 h 30. Départ 8 h 30. Arrivée sur le plateau des Glières à 9 h 15 par la route d’Entremont. L’itinéraire conduit jusqu’aux Chalets des Auges (1760 m), par l’ascension de la montagne des Auges. Dénivelé : 506 mètres. Distance totale parcourue : 11,40 km.

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Nous partons de la Maison du Plateau située au col des Glières (1425 m) pour rejoindre la crête de la montagne des Auges en traversant une forêt essentiellement peuplée de résineux. Parvenus sur la crête en direction des Chalets, vue imprenable sur la chaîne des Aravis et, en arrière-plan, majestueux comme il sied à un noble, le Mont-Blanc. Le temps hélas est brumeux, le ciel voilé. Mais la vue n’en est pas moins belle. Déjeuner aux chalets. Même salade qu’hier agrémentée de restes de diots grillées.
Devant ce spectacle grandiose, sentiment de plénitude. Conscience de n’être qu’un – si minuscule, si fragile – parmi la multitude qui compose ce vaste ensemble. Une symphonie du vivant.
Au retour, achat d’une tome fermière chez un producteur de la ferme Paccot.

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Noms des lieux-dits traversés – Pas du Loup, Chalets des Auges, Les Mouilles, Paccot.

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Selon leur cœur – Nous effectuons ensuite le parcours pédagogique qui raconte l’histoire du maquis. Fin janvier 1944, les Résistants mobilisés sont regroupés sous les ordres du lieutenant Tom Morel, un saint-cyrien doté d’un sens aigu de l’organisation. Ses troupes ont pour mission de réceptionner les parachutages d’armes envoyées par les Alliés pour équiper les forces combattantes de la Résistance. Mais dès le mois de février, le plateau des Glières est le théâtre d’une authentique guerre civile opposant la milice de Vichy et ses Groupes mobiles de réserve (GMR) aux maquisards, jusqu’à l’intervention allemande qui, un mois plus tard, met un terme sanglant à l’activité du maquis.
Au total, 120 Résistants des Glières ont trouvé la mort dans ces combats : 20 tués par les Allemands, 18 tués par la Milice de maintien de l’ordre (Vichy), 50 fusillés par les Allemands, 16 fusillés par la Milice, 16 morts en déportation. Auxquels il faut ajouter 20 civils tués, fusillés ou déportés.

Plateau des Glières. 16 h 11.

Le parcours passe par le monument national de la Résistance inauguré le 2 septembre 1973 en présence d’André Malraux qui prononça devant des milliers de personnes, un discours demeuré célèbre dans lequel il compara le combat des Résistants des Glières à celui des Thermopyles avant de lancer : « Passant, va dire à la France que ceux qui sont tombés ici sont morts selon leur cœur ». Phrase retenue par le journal Le Progrès, hebdomadaire à l’époque, à la une de son édition du vendredi 7 septembre 1973. On peut voir encore aujourd’hui le chalet qui tenait lieu d’infirmerie, ou plutôt sa reconstitution car il fut bombardé et détruit par les Allemands lors de leur attaque aérienne malgré la croix rouge peinte sur le toit. Pas de quartier. C’est dans ce chalet qui accueillait également les dépouilles des maquisards tués au combat, que fut ramené le corps du lieutenant Tom Morel, tué lors d’une attaque contre l’état major des GMR à Entremont, le 10 mars 1944.

Nous avons marché tout le jour dans les pas de ceux qui avaient pour devise : « Vivre libre ou mourir ». A l’espace d’accueil mémoire du maquis, acheté le livre-témoignage de Constant Paisant, franc-tireur partisan engagé aux Glières.

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Désolation – Sur le chemin du retour, nous écoutons à la radio les dernières informations concernant le gigantesque incendie qui ravage les Corbières. Nous en sommes ce soir à plus de 16 000 hectares parcourus par les flammes. « La vitesse, la violence, la hauteur des flammes… Elles sautaient des centaines de mètres. On ne pouvait rien faire. Juste protéger et tenir ». Le bilan sera terrible. « Il ne reste que des vestiges de ma maison que j’ai construite avec ma famille ». Combien, ce soir, de femmes et d’hommes abattus. Dépossédés de leur cadre de vie, de leur outil de travail. Condamnés à vivre avec sous leurs yeux le spectacle sinistre de la désolation.

(Citations extraites des témoignages recueillis auprès des sinistrés des Corbières par les journalistes du quotidien L’Indépendant et publiés dans les éditions des jeudi 7 et vendredi 8 août).

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Cartes postales

La chaîne des Aravis et le Mont-Blanc vus des chalets des Auges. 11 h 21.
Les Aravis et le Mont-Blanc sur le chemin en direction des Chalets des Auges. 13 h.
Fleurs, roches et conifères. 13 h 23.
L’infirmerie du maquis des Glières (chalet à droite) reconstituée. 14 h 54.
Vue du plateau. 15 h 42.