Né en 1915, Alain Borne trouve la mort dans un accident de voiture à l’âge de 47 ans.
Proche de Pierre Seghers, il rejoint dès 1940 le comité de rédaction de sa revue PC 40. En 1942, Aragon le salue dans son poème Pour un chant national où il le compare au troubadour Bertrand de Born.
« Alain vous que tient en haleine
Neige qu’on voit en plein mois d’août
Vous me faites penser à ce poète qui s’appelait
Bertrand de Born presque comme vous »
En 1946, il participe à la création du Comité national des écrivains.
Alain Borne est un poète de l’amour. Tragique et solaire. Son œuvre poétique, toute empreinte de sensualité quand il parle de la nature comme des corps, tient en deux volumes parus aux éditions Curandera en 1980. Ils sont devenus quasiment introuvables aujourd’hui et n’ont jamais été réédités. Il existe également un numéro spécial Alain Borne de la revue Poésie 1 daté mai-juin 1972 qui présente un choix de poèmes et quelques témoignages précieux sur son art poétique.
René Char y parle des « beaux et poignants poèmes d’Alain Borne (…). La mort l’avait amarré à elle solidement et ses lendemains étaient entièrement pris par elle ».
La mort a pris Alain Borne le 21 décembre 1962. Son premier recueil – Cicatrices de songes – portait déjà la marque de la douleur de vivre.
Voici cinq poèmes extraits de Terre de l’été (1945).
-o-

Amour
et l’on meurt,
tiède comme le sable.
Août
le vent de flammes
sur l’enclume blanche,
et tout le ciel n’est que marteaux.
Des oiseaux sans ombrages,
des champs au ventre ouvert
où tremblent des couteaux
et dans la paille
des lèvres farouches
des robes seules,
des jambes souillées.
Les chevaux ébranlent l’amour
et son toit de seigle gifle les baisers.
L’acier du manège
est frais et chaud
ainsi que la chair désirée.
-o-
Soleil sec, herbe sèche, corps bruns
nudité
et l’eau bruissante au souvenir.
Longue soif,
et pour unique source tes lèvres
bonde d’un corps d’eau rouge.
Amour
et l’on meurt,
tiède comme le sable.
Amour
tissu de trouble amer,
nœud de rencontre lasse,
sable et cendre meurtrie
Cigüe évaporée au feu le plus intense,
os effacés de honte,
sous le vide de l’heure.
Amour,
et les profonds oiseaux
qui peignaient le ciel vide
brûlent leurs ailes sur nos yeux.
-o-
Ciel de sureau,
colombes noires,
la voix de l’eau
dans la terreur
de l’herbe sèche.
Désir, désir,
ton tocsin,
de cœur en cœur
ébranle les cloches.
Une robe
semble étendue
sur l’herbe rousse.
Un mannequin
semble rêver
sur la brûlure
du figuier.
Regardez mieux
sous la dépouille
est une tache
de sang frais.
Regardez mieux,
sous le manteau
est un sachet
de chair vive.
Encore un peu
et vous verrez
un nœud fragile,
nouveau mirage
de la soif
où le sang chante
comme une eau.
-o-
Le vent sur l’herbe jaunie,
et sur le sable du ruisseau,
et sur la robe abandonnée.
La nuit sur les baisers,
et la profonde étreinte,
et le don consenti.
Le rire solitaire
de celui qui regarde
le partage mordu.
Et le cheval marche
en évitant les herbes,
si près des corps vêtus d’étoiles
que la mort brille à son sabot.
On imagine un meurtre
à les voir tant lutter
avec des cris sans mots.
Et le rieur cherche une lame
dans le sable
pour une poitrine.
-o-
L’eau seule est nue
dans la chaleur,
dormeuse,
et le désir descend des yeux,
et le désir
est une hache,
arbre très calme,
est une hache le long de toi.
Et les joncs peuvent croître,
la source dort,
le bel érable de ton corps,
où la sève siffle en silence
une musique à délivrer,
la blanche soie de ta clarté
endort les branches de ton sang
dont chaque feuille reste à lire.
Une réflexion sur “« Alain vous que tient en haleine… »”
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