I – Espace
Le domaine de Tansonville, propriété de Charles Swann à Combray, est mentionné pour la première fois au chapitre II de Combray, première partie de Du côté de chez Swann.
Le narrateur raconte une balade « du côté de Méséglise » au cours de laquelle les promeneurs longent la clôture du domaine dont la bâtisse se laisse deviner au fond d’une « allée bordée de capucines ». On apprend que les parents du narrateur ont décidé de ne plus se rendre à Tansonville depuis le mariage de Charles Swann qu’ils désapprouvent en raison de la réputation d’Odette de Crécy.
Dans la Recherche, le domaine de Tansonville, cette « demeure un peu trop campagne » du Temps retrouvé, est essentiellement associé à Gilberte Swann. C’est dans les jardins de Tansonville que le narrateur aperçoit Gilberte pour la première fois.
Il existe, dans les environs d’Illiers-Combray, un domaine de Tansonville. Si Marcel Proust s’en est inspiré pour le Tansonville de la Recherche, il ne respecte pas la géographie des lieux. Il redessine une carte de Combray et de ses environs. Le Tansonville authentique est situé au sud d’Illiers au contraire du Tansonville littéraire placé à l’est, du côté de Méréglise devenu plus tard Méséglise dans le roman.
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Si du moins il m’était laissé assez de temps pour accomplir mon œuvre, je ne manquerais pas de la marquer au sceau de ce Temps…
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II – Temps
Interrogé par Usbek & Rica sur la notion complexe d’écoulement du temps au regard des théories de la relativité d’Einstein, le physicien Thibault Damour explique : « La réalité existe au sein d’un espace-temps qui ne s’écoule pas. Une bonne façon que j’ai d’expliquer ça, c’est la dernière phrase du Temps retrouvé de Proust, qui représente les hommes comme des géants plongés dans les années ».
Cette phrase, la voici : « Si du moins il m’était laissé assez de temps pour accomplir mon œuvre, je ne manquerais pas de la marquer au sceau de ce Temps dont l’idée s’imposait à moi avec tant de force aujourd’hui, et j’y décrirais les hommes, cela dût-il les faire ressembler à des êtres monstrueux, comme occupant dans le Temps une place autrement considérable que celle si restreinte qui leur est réservée dans l’espace, une place, au contraire, prolongée sans mesure, puisqu’ils touchent simultanément, comme des géants, plongés dans les années, à des époques vécues par eux, si distantes, – entre lesquelles tant de jours sont venus se placer – dans le Temps ».
Thibault Damour commente : « L’essence de Proust consiste à dire que l’idée habituelle de temps qui passe (c’est le temps perdu) est une illusion. Ce que sentait Proust intuitivement et ce que Einstein suggère, c’est que la vraie réalité est hors du temps. Il faut imaginer comme des paquets de cartes les uns sur les autres. Les cartes sont comme des photographies du passé, du présent et du futur, qui coexistent. Il n’y a pas quelque chose qui s’écoule ».
S’il n’y a pas d’écoulement du temps, il n’y a donc pas de temps perdu. Et si d’aventure nous nous lançons à sa recherche, c’est quelque chose qui n’existe pas que nous recherchons. Mais qu’importe, puisque l’important est moins ce que nous cherchons que la recherche elle-même.
C’est dans ce sens, en essayant de me tenir au plus près de cette exigence-là, que j’aime lire et relire la Recherche. Pour la Recherche même. Sans fin.
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Sources : Marcel Proust, La Recherche du Temps perdu, Bibliothèque de la Pléiade, édition dirigée par Jean-Yves Tadié, 1987-1989. Usbek et Rica « le média qui explore le futur ».
3-23 novembre 2020